L'accordéon diatonique - Le choix du clavier

Mes élèves me demandent souvent des renseignements à propos des choix de claviers pour l'accordéon diatonique, voici mon point de vue sur la question...

en préambule : le jeu "poussé-tiré" et le jeu "croisé"

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 Il va être question de ces deux notions dans ce qui va suivre, et lorsqu'on commence à apprendre cet instrument, on est vite confronté à des choix de jeu différents. 

 

Ces choix de jeux ont un rapport avec le style de musique. Certains "styles" se jouent plutôt en "croisé", d'autres en "poussé-tiré".. Chaque musicien peut avoir une préférence, certains ne jouent qu'en "poussé-tiré", d'autres qu'en "croisé", d'autres encore sont à l'aise dans les deux styles de jeu. On retrouve également ces choix et ces styles de jeu chez les professionnels. 

 

 

 

 

l'accordéon diatonique une rangée

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Maxime Rohart et son Castagnari modèle Lili

 Au départ, l'accordéon diatonique possède une seule rangée de boutons, qui permet de jouer une gamme Majeure. C'est un instrument qui se joue avec la technique poussé-tiré.

 

La disposition des notes, une note poussée, une note tiré, etc, favorise la formation de certains accords.

 

Pour un clavier en SOL les deux accords principaux de la gammes Majeure :

  • Sol Majeur (sol-si-ré) en poussé et Ré7 (ré-fa#-la-do) en tiré ; même s'il n'y a pas la note ré en tiré sur la rangée de SOL, on peut la jouer à la basse à la main gauche ;
  • et les deux accords principaux de la gamme mineur naturelle, La mineur (la-do-mi) en tiré et Sol Majeur (sol-si-ré) en poussé.

Pour un clavier en DO les deux accords principaux de la gamme Majeure :

  • Do Majeur (do-mi-sol) en poussé et Sol7 (sol-si-ré-fa) en tiré, idem pour la note sol absente mais qui se trouve en Basse main gauche ;
  • et les deux accords de la gamme mineure naturelle, Ré mineur (ré-fa-la) en tiré et Do Majeur (do-mi-sol) en poussé.

C'est en partie ces possibilités d'accords, même rudimentaires qui font le charme de l'accordéon diatonique. Beaucoup de styles de musique se sont adaptés à cette configuration particulière et ont su en tirer toutes formes de richesse musicales à travers le monde. 

l'accordéon diatonique deux rangées

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2 rangs, 3 rangs, 2 rangs + 2 boutons, 2 rangs et demi

Sauf exception (chez les Irlandais), la tonalité de la gamme de la deuxième rangée sur un accordéon diatonique est à la quarte par rapport à celle de la première rangée, c'est à dire en Do si la première rangée est en Sol, et en Fa si la première rangée est en DO. L'instrument le plus répandu est ainsi appelé un SOL/DO. Le DO/FA,  moins répandu, mais joué par un certain nombre de professionnels est par contre peut-être l'instrument le plus équilibré, j'en reparlerai en fin d'article. 

L'apport de la deuxième rangée n'est pas tant d'avoir en quelque sorte deux instruments permettant chacun de jouer en "poussé-tiré" dans une tonalité que d'avoir une autre possibilité de jeu que l'on appelle "croisé". Cette différence est très importante pour faire le choix de son modèle de clavier, comme je vais essayer de le démontrer. 

En effet, on pourrait presque dire qu'avec la deuxième rangée nous avons maintenant deux instruments, un en "poussé-tiré" sur la première rangée et un permettant le jeu "croisé". Lors de l'apprentissage, on comprend vite ces deux notions, la difficulté de l'une, de l'autre, et de passer de l'une à l'autre. 

 

On peut donc, si l'on considère la première rangée comme celle du "poussé-tiré", considérer la deuxième rangée comme celle qui apporte le jeu "croisé", et donc faire en sorte que cette rangée lui soit la plus adaptée possible. Si on analyse ce qui se passe sur cette deuxième rangée, on s'aperçoit qu'elle comprend deux notes qui sont déjà sur la première rangée, sur un SOL/DO ces deux notes "doublées" sont le Sol en poussé et le La en tiré de la deuxième rangée . 

 

 

Nous avons donc :

  • en tiré : "do ré mi fa fa# la-la si" manque le "sol" et le "la" est doublé.
  • en poussé : "do ré mi sol-sol si" manquent "fa, fa# et la" et le "sol" est doublé.

 

L'idée est donc d'utiliser l'emplacement de ces notes doublées pour y mettre les notes manquantes pour le jeu "croisé". Sur un deux rangs en SOL/DO, il ne manque qu'une note en tiré, c'est le Sol, qui est une note très importante et qu'on va donc pouvoir ajouter. En poussé, il manque trois notes, le Fa, le Fa# et le La. Le choix du "La" semble évident tant cette note est utile dans le jeu croisé.

 

Cela permet donc d'avoir, pour le jeu croisé :

  • en tiré : "do ré mi fa fa# sol la si" c'est à dire toutes les notes en Sol et en Do Majeur.
  • en poussé : "do ré mi sol la si". 

L'instrument est alors parfaitement adapté aux 2 styles de jeu "poussé-tiré" (sur la 1ère rangée) ET "croisé".

On constate par cette transformation qu'il est plus difficile de jouer en "poussé-tiré" sur la deuxième rangée (mais pas impossible) et c'est la raison pour laquelle il y a une polémique à ce sujet, certains jugeant sacrilège de modifier cette rangée. Mais encore une fois avoir deux rangées de "poussé-tiré" me semble bien moins intéressant que d'avoir une seule rangée en "poussé-tiré" et une deuxième rangée la plus adaptée possible au jeu "croisé". 

 

Une autre raison, et non des moindres de ce choix est l'apprentissage des notes de son clavier. C'est là aussi un sujet délicat entre les adeptes du jeu "de routine" et ceux de l'apprentissage d'un minimum de théorie et de compréhension de son instrument. Il est vrai que sur cet instrument il est particulièrement difficile d'apprendre les notes, de savoir où l'on en est. Il y a plusieurs raisons à cela : le fait que certaines notes n'existent que dans un sens du soufflet, que la même note n'est pas sur le même bouton en tiré et en poussé, pire encore que l'enchaînement des notes entre le tiré et le poussé soit décalé selon les octaves. Et si on ajoute à cela la possibilité de jouer la même note à deux endroits différents alors la coupe est pleine et on arrive à une surchauffe telle des neurones qu'on dépose les armes. 

 

Avec le choix de changer ces notes doublées, non seulement on a plus de possibilités et de facilité de jeu en croisé, mais on enlève aussi une difficulté d'importance : l'apprentissage des notes. 

Lorsque je donne des cours, je préfère toujours avoir des débutant(e)s qui n'ont pas pris l'habitude de jouer avec ces notes doublées intérieures, ça ne leur pose aucun souci de ne pas les jouer et le choix du modèle de clavier à trois rangées sera alors évident (voir l'explication ci-après).. 

Pour ce qui est de l'harmonie, l'apport de la deuxième rangée enrichit grandement les possibilités d'accords, maintenant non seulement tous les accords en Do et Sol Majeur sont possibles, mais ils sont aussi très facile à réaliser ! 

 

Je dois rajouter un détail dans cette démonstration : dans cette solution, la rangée à laquelle nous n'avons rien changé est la rangée de SOL, le "poussé-tiré" se fera donc bien évidemment sur la rangée de SOL, et il faudra alors que par exemple lors d'un stage en "poussé-tiré", le formateur ait la gentillesse de proposer les morceaux "poussé-tiré" en SOL et non en DO, ce qui ne change absolument rien au jeu lui-même.... Mais il est toujours possible de tomber sur un formateur mal intentionné qui prenne un malin plaisir à proposer malgré tout le morceau en DO, et c'est bien dommage. 

 

Je conseille également de choisir son "deux rangs" avec l'option des deux boutons d'altérations au milieu, comme montré sur la photo ci dessus, c'est un petit peu plus cher mais on ne le regrette jamais tant cela facilite grandement le jeu. Ces boutons situés au milieu du clavier sont les altérations manquantes (do# mib sol# sib), on trouve ces mêmes altérations en haut du clavier mais bien souvent difficiles à atteindre, surtout quand la mélodie est rapide. On peut remarquer qu'on nomme toujours notre instrument diatonique alors qu'il possède bien les 12 notes de la gamme chromatique ! La bonne appellation aurait sans doute été "accordéon bissonore". 

l'accordéon diatonique trois rangées

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stage à La Clusaz en 2015

En général, on ne commence pas l'accordéon diatonique avec un trois rangées, c'est trop compliqué, et il vaut mieux passer quelques années à se familiariser avec le deux rangées et les styles de jeu "poussé-tiré" et "croisé". 

Le 3 rangées est un instrument beaucoup plus complexe que le deux rangées, tellement plus complexe que rares sont les musiciens amateurs qui ne l'utilisent autrement que comme un deux rangées "amélioré". 

 

Pour ce qui est du choix du clavier c'est également complexe : on voudrait bien avoir le maximum de possibilités sur son trois rangées mais on ne veut pas non plus avoir à réapprendre tous ses morceaux du fait que l'emplacement des notes sur la 2e rangée a changé. 

Si vous avez joué sur votre deux rangées, et c'est ce que je vous conseille fortement, en ne touchant pas aux notes doublées (sol et la) de la rangée intérieure, alors le choix sera simple : le modèle qui à mon sens est le plus abouti est celui conçu par les deux musiciens professionnels Stéphane Milleret et Norbert Pignol. Le clavier en tiré est entièrement chromatique (il contient toutes les notes) et d'une logique implacable qui permet de travailler toutes les gammes avec le doigté le plus cohérent.

 

Pour faire simple :

 

Il y a 12 notes dans une gamme chromatique (les touches blanches + les touches noires d'un piano).

 

En tiré sur la première rangée d'un 2 rangs ces notes sont "la do mi fa#", sur la deuxième rangée ces notes sont "si ré fa" et puisque la touche du "la" doublé n'est pas utilisée, il reste donc un bouton sur cette deuxième rangée et quatre boutons sur la troisième rangée, et il reste bien 5 notes à agencer : "sib, do#, mib, sol et sol#" (voir le schéma du clavier Milleret-Pignol en bas de l'article).

 

En poussé, comme il n'est possible de mettre que 9 notes (en remplaçant cette fois le sol doublé en poussé de la deuxième rangée), le choix est assez cornélien et de toute façon toujours imparfait. Personnellement, je conseille le clavier Milleret-Pignol avec l'option qui présente des sol# en poussé sur la 3e rangée. 

 

Ce qui est important à comprendre c'est que sans toucher au "la" doublé de la deuxième rangée, il va, quoi qu'on fasse, manquer une note en tiré. Cette note, dans la plupart des claviers ayant laissé le "la" doublé, est le Mib. Et c'est bien dommage, car il se trouve que ce Mib est non seulement le deuxième bémol utilisé (dans la gamme de Sib Majeur), mais que c'est aussi ce que l'on appelle une "blue note" qui est utilisée dans certains morceaux (la sansonette, jump at the sun, latina...), sans compter le plaisir de jouer cette blue note dans un morceau en La mineur. 

 

 

mes conseils pour le choix

Pour le 2 rangs : Il est possible, et je le conseille, de demander au facteur de l'accordéon (luthier) de remplacer, en poussé, les 3 "Sol" de la rangée de Do par des "La" et en tiré, les 2 "La" par des "Sol". Je conseille également d'ajouter les deux boutons d'altération en plus sur la 3ème rangée en complément de ceux qui sont placés classiquement en remplacement du premier bouton de chaque rangée, qui sont moins facilement accessibles.

 

Pour le 3 rangs : Je conseille le modèle Milleret-Pignol avec le choix des sol# en poussé. 

 

L'accordage : Plutôt sec ou demi swing.

 

Les voix : Je ne conseille plutôt de ne pas prendre une 3ème voix, ni pour un 2 rangs, ni pour un 3 rangs. La première raison est d'éviter un poids supplémentaire, la deuxième est que cette troisième voix, qui est une octave en dessous est très grave et n'est pas équilibrée avec la main gauche. Ceci dit je comprends très bien qu'on puisse aimer cette voix, qui c'est vrai est belle et donc ce choix se fera en fonction de vos goûts. Personnellement j'avais cette voix sur mon 3 rangs et j'ai fini par la remplacer par une voix à l'unisson (Mon modèle Bertrand Gaillard n'a que 2 voix).

 

Tonalité SOL/DO ou DO/FA :

J'ai parlé tout à l'heure du DO/FA : Dans ce cas c'est différent, la voix grave est très équilibré avec la main gauche et donc je la conseille. J'ai aussi un DO/FA et je l'utilise volontiers avec cette voix chaude et grave.

Le modèle SOL/DO est le modèle quasi obligatoire tant il est répandu, et tous les cours et les stages se font en SOL/DO. Mais ce choix "collectif" est vraiment dommage. Le choix du DO/FA aurait été plus judicieux, pour cette question de voix grave, pour l'équilibre général du son, et également pour la tonalité principale de Ré mineur qui est plus adapté à la chanson pour la majorité des tessitures de voix. 

en conclusion

 

Pour terminer, lorsque j'enseigne l'accordéon diatonique, je fais toujours le rapport, et cela dès le début de l'apprentissage, entre la mélodie et l'harmonie, c'est à dire les accords à la main droite. on peut ainsi remarquer très vite que la plupart du temps les notes de la mélodie sont aussi dans l'accord qui est joué main gauche. Cela permet de s'approprier plus rapidement le morceau et surtout de plus facilement s'en détacher pour trouver soi-même des contrechants, des variations, des arpèges, voire faire de l'improvisation. Toutes ces techniques nécessitent la compréhension de l'harmonie qui se trouve être très facile et très efficace sur l'accordéon diatonique. L'apprentissage des notes s'en trouve également quelque peu facilité lorsqu'on les retient par le biais des accords. 

 

Jean-Marc Rohart

3 rangées 18 basses - Système Milleret-Pignol

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